Les données proposées par le portail Forêts-21 sont des simulations effectuées à partir de différents modèles. Comme toute simulation, elles sont sujettes à une incertitude qui inclut trois composantes. La description qui suit résume ces sources d’incertitude. Par ailleurs, les scénarios de climat et les itinéraires techniques utilisés dans Forêts-21 n’ont par nature pas de probabilité de réalisation. Nous expliquons ici comment les données de Forêts-21 doivent être comprises et interprétées.

Incertitudes des données Forêts-21

Elles proviennent de trois sources différentes.

  • Erreur des modèles eux-mêmes (« épistémique ») : Les modèles peuvent, volontairement ou non, déformer ou tronquer la réalité des processus physiques ou biologiques représentés. A titre d’exemples :

    • Les effets mécaniques du vent, de la pénombre, des réflexions d’ordre II et plus, les profils de température et humidité dans le couvert, ne sont pas représentés dans les processus GO+ et leurs effets ignorés.
    • Les hétérogénéités et variabilités d’ordre génétique ou phénotypique ne sont pas prises en compte : les strates végétales sont considérées comme homogènes.
    • De façon explicite, des processus importants contrôlant la productivité et le fonctionnement ne sont pas pris en compte, comme les cycles de l’azote et du phosphore, les effets de dépôts atmosphériques (ozone, oxydes d’azote, sulfates…), l’herbivorie ou les processus de dépérissement multifactoriels incluant des ravageurs ou des maladies.

    L’erreur épistémique n’est pas quantifiable et peut biaiser les sorties de modèle, autrement dit générer une erreur systématique, positive ou négative, sur les données simulées. Elle peut néanmoins s’apprécier par des évaluations comparant les sorties de modèle avec des données observées.



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Incertitude relative de quelques variables proposée dans le portail Forêts-21. Cette incertitude prend en compte l’erreur à attendre liée à la paramétrisation du modèle GO+. Les valeurs affichées dans chaque case donnent l’écart-type de l’erreur à attendre. (tirée de Moreaux et al. 2020).



  • Incertitude des valeurs des paramètres utilisés (erreur de paramétrage). Les valeurs des paramètres utilisés par ces modèles (258 dans GO+) sont obtenues à partir d’expérimentations ou de réseaux d’observation (RENECOFOR, ICOS, GIS Coop de données …) et sont empreintes d’erreur d’échantillonnage, de mesure, d’artefacts. Les erreurs générées sur les variables de sortie de modèles peuvent être estimées (Moreaux et al . 2020) et sont le plus souvent non systématiques.
  • Les simulations sont initialisées en définissant l’état initial du sol et du peuplement : âge et dimension des arbres, état du sous-étage, profondeur et caractéristiques hydriques des couches du sol, profondeur des racines, texture, pente, exposition…. Ces informations ne sont que rarement connues avec exactitude.

Hormis l’erreur épistémique, l’effet des sources d’erreur des paramètres et des données d’initialisation peut être en partie estimée par des techniques numériques ou analytiques. Les sorties de modèle sont aussi confrontées à des données observées dans différents tests d’évaluation ou validation. On trouvera des exemples dans les articles de Martel et al. (2019), Moreaux et al. (2020).

Incertitudes des scénarios climatiques

Les scénarios futurs utilisés dans Forêts-21 et leur régionalisation sont également affectées par les erreurs évoquées ci-dessus. Les modèles climatiques ALADIN incluent de surcroît une dimension stochastique additionnelle propre aux schémas d’atmosphère qu’ils utilisent. Les scénarios climatiques 2006-2100 doivent se comprendre comme autant de futurs également possibles. Ils sont cohérents car construits à partir de modèle mécanistes globaux prenant en compte de façon dynamique les échanges atmosphère-continents – océans, l’effet des glaces de mer et de terre et les émissions et échanges de gaz à effet de serre, aérosols. La trajectoire récente des émissions de gaz à effet de serre fossile correspond au scénario RCP 8.5 (voir le site du Global Carbon Project, très bien documenté, et les données collectées e.g. par le réseau ICOS et la NOAA). Mails il n’est pas possible de prévoir comment les émissions humaines se comporteront dans le futur, ni quel scénario serait le plus probable de 2020 à 2100. On peut présumer que les émissions fossiles resteront sous la borne supérieure du RCP 8.5 et espérer qu’elles vont aller en diminuant et se rapprocheront du RCP 4.5, voire moins.



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Trajectoire des émissions de C-CO2 d’origine humaine selon les 4 scénarios RCP. Le taux d’émissions observé est représenté en noir. L’élévation de température moyenne globale est représentée sur l’axe de droite.



Compte tenu de ces incertitudes, les données proposées par le portail Forêts-21 permettent donc trois types d’application :
  • La comparaison de différentes options de sylviculture des forêts de production métropolitaines. Dans ces comparaisons une partie des erreurs et incertitudes étant égales d’un itinéraire technique à l’autre s’annulent donc partiellement. Mais les effets des itinéraires techniques affectant la fertilité minérale et la nutrition des arbres ne sont pas pris en compte.
  • Apprécier les effets de l’évolution de l’atmosphère et du climat sur les forêts. Dans cette première version des données à disposition, cet effet se comprend à fertilité minérale constante. Le jeu de valeurs de paramètres utilisé est fixe et n’évolue pas de 2006 à 2100, ce qui ignore la plasticité phénotypique de la plupart des processus représentés. Cela ne correspond donc pas à une véritable prédiction, qui devrait intégrer les changements de productivité et leurs rétroactions.Cette prise en compte est prévue à l’issue du projet ADEME « BIosylve » , programme GRAINE 2020-2022, ni les ajustements phénotypiques potentiels des essences forestières, de la végétation accompagnatrice, ou de la flore microbienne.
  • L’analyse des interactions entre l’évolution du climat et les options sylvicoles en termes de résilience (infobulle : faculté d’un système à se revenir à son état d’équilibre après une perturbation) et donc, dans une certaine mesure, d’adaptation.
  • Ces différentes utilisations des données de Forêts-21 et leur restriction s’adressent aux niveaux local (, la maille Safran 8x8 km), régional, de la sylvoécorégion, et , des grandes régions écologiques ou (GRECO) et de la France entière. Même à l’échelle la plus fine (grille 8x8 km), certains effets stationnels sont mal pris en compte : la topographie, la nature du sol, voire le climat en zone de relief. Il ne s’agit donc pas d’un outil d’aide à la décision à l’échelle du peuplement forestier, mais plutôt d’un outil de planification stratégique.
  • Références citées.

    Achat, D. L., Martel, S., Picart, D., Moisy, C., Augusto, L., Bakker, M. R., and Loustau, D. (2018) Modelling the nutrient cost of biomass harvesting under different silvicultural and climate scenarios in production forests, For EcolManag, 429, 642-653.

    Desprez-Loustau, M. L., and Dupuis, F. (1994) Variation in the phenology of shoot elongation between geographic provenances of maritime pine (Pinus pinaster)-implications for the synchrony with the phenology of the twisting rust fungus, Melampsorapinitorqua, Ann Sci Forest, 51, 553-568. Le Moguedec, G. and Dhote, J. F. (2012) Fagacees: a tree-centered growth and yield model for sessile oak (Quercus petraea L.) and common beech (Fagus sylvatica L.), Ann ForSci, 69, 257-269.

    Moreaux V. et al. (2020). Energy, water and carbon exchanges in managed forest ecosystems: description, sensitivity analysis and evaluation of the Inra GO+ model, version 27.0. Geoscientific Model Development.

    Shaiek, O., Loustau, D., Trichet, P., Meredieu, C., Bachtobji, B., Garchi, S., and El Aouni, M. H. (2011) Generalized biomass equations for the main above-ground biomass components of maritime pine across contrasting environments, Ann Forest Sci, 68, 443-452.